Docteur Cécile Ortholan, Chef du Service de Radiothérapie
Docteur Georges Garnier, Chef du Service Hôpital de jour

Le Dr. Georges Garnier prend la parole. Il précise qu’il est le représentant de son équipe et souligne qu’il est important que la société civile échange et décloisonne le cancer.

Aujourd’hui, on essaie de mieux comprendre la cellule cancéreuse et sa prolifération. La compréhension de la division cellulaire est bien sûr  schématique Les oncologues et les biologistes ont beaucoup cheminé et la grosse difficulté pour la compréhension de la cancérogenèse, c’est que c’est multiprocessus. C’est un processus multi-étapes, et en fonction de où on intervient, on n’a pas toujours la même efficacité avec les différentes stratégies thérapeutiques.

Avant tout, le chirurgien a une place importante. En dehors de la chirurgie, il y a la radiothérapie, la chimiothérapie et puis ces nouvelles thérapeutiques qui sont basées sur les mécanismes de compréhension de la prolifération de la cellule tumorale. Parmi ceux-ci, il y a l’angiogenèse. L’angiogenèse, ce sont les vaisseaux qui vont nourrir le cancer.  La cellule tumorale va fabriquer ses propres vaisseaux qui vont la nourrir. Sur cet aspect-là qui est connu depuis longtemps, certains chercheurs ont développé des molécules qui sont capables de bloquer la prolifération, si possible sélective, des vaisseaux qui vont nourrir les cellules tumorales et pas trop bloquer les vaisseaux qui nourrissent la cellule normale. C’est une des pistes de traitement du cancer.

Au niveau épidémiologique, il faut connaitre, comprendre, appréhender et savoir précisément ce face à quoi on est.  Les registres de cancérologie sont très importants pour juger si certaines populations sont plus à risque que d’autres en fonction des régions en France et ailleurs dans le monde et également pour évaluer les facteurs de risque qui permettraient, par exemple, d’anticiper sur l’exposition à des risques particuliers.

L’épidémiologie c’est juste de pouvoir spécifier le nombre de nouveaux cas de cancer par an. On constate en France que cela commence à se stabiliser sur l’ensemble des cancers. Cependant, si on additionne les nouveaux cas de cancer, cela représente en 2015, 385 000 nouveaux cas, tout confondu.

Au premier rang, le cancer du sein, pour la femme, puis colo rectum, prostate et poumon.

Quantitativement, le cancer de la prostate touche beaucoup les hommes, mais c’est un cancer qui survient un peu plus tardivement dans l’âge et l’impact pronostique sur la santé publique de cette maladie est moins importante que celle du poumon, qui a une incidence moindre mais pour laquelle le taux de mortalité est plus important et le pronostic plus péjoratif. Si on compare la prostate par rapport au poumon, l’incidence est bien moindre pour le poumon mais on gère moins bien cette maladie dont la mortalité est bien plus importante  que le cancer de la prostate.

Pour ce qui concerne le sein, il se traite relativement bien. Il y a environ 45/50 000 nouveaux cas par an en France, le pourcentage de guérison évolue entre 80/85%. Il reste encore un peu de chemin à parcourir.

Pour l’OMS, il y a environ 12  millions de patients atteints de cancer dans le monde actuellement et les prévisions pour les deux décades à venir sont de 20 à 22 millions de nouveaux cas. Il y a un pic d’incidence et cette incidence est en train d’augmenter énormément dans les pays dits en développement, comme l’Amérique Centrale, l’Amérique du Sud, l’Asie.

Le cancer reste la cause de mortalité N°1 devant les maladies cardiovasculaires en France.

Chantal intervient en précisant que d’après l’OMS c’est l’inverse et le Dr. Garnier précise que c’est sexe dépendant et qu’en effet, pour les femmes, ce sont les maladies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité.

A la question sur l’explosion des cancers de la prostate, le Dr. Garnier répond qu’en France, le plus important c’est le dépistage et le vieillissement de la population. Le facteur de risque N°1 du cancer c’est l’âge. La senescence cellulaire, la diminution des capacités de la cellule à se réparer. Les cellules normales vont, à moment donné, faire une mutation et ne plus se réguler.

Statistiquement, il y a des courbes très importantes qui sont âge-dépendant, jusqu’à environ 80 ans, après, ça commence à s’estomper.

Le Dr. Ortholan précise que quand on fait des autopsies chez des gens de plus de 80 ans, on trouve 80% de cancers de la prostate ; c’est presque un processus de vieillissement inévitable chez l’homme. Aujourd’hui, on trouve plus de cancers parce qu’on fait des dosages du PSA. C’est pour cela qu’il y a un débat autour du dépistage où on va induire de la morbidité chez des gens qui n’auraient pas forcément été ennuyés par un cancer de la prostate.

En France et à Monaco, on reste accroché au dépistage du cancer du sein grâce auquel on épargne des vies. C’est dû au fait, que par définition, plus on trouve tôt un cancer, il est plus facilement curable, c’est vrai pour le sein, c’est vrai aussi pour c’autres cancers. Le problème des autres cancers, en dehors de la prostate, c’est que c’est difficile de les dépister plus tôt.

En dehors du cancer du col de l’utérus, du sein, de la prostate et du côlon pour lesquels il existe un dépistage, il est difficile pour les autres cancers d’organiser un dépistage de masse et valider le fait que cela soit utile pour la population. Il faut différencier le dépistage individuel du dépistage de masse.

Les recommandations françaises précisent pour le sein une mammographie tous les deux ans entre 50 et 74 ans.

Il y a des différences d’accès au dépistage en fonction des zones de densité médicale. Il y a plus d’accès au dépistage là où la densité médicale est plus importante.

Les autorités de santé  ont validé ces recommandations quand on pensait que l’espérance de vie des femmes se situait autour de 78 ans. Aujourd’hui, l’espérance de vie a augmenté, on parle de 90 ans. Ceci entraîne une réflexion et il y a toujours une inertie pour valider les changements de comportements. Mais ceci va probablement faire  modifier le dépistage de masse.

Question sur pourquoi la radiologie et pas l’IRM ?

Le Dr. Ortholan précise que la mammographie, ce sont des rayons et que c’est potentiellement cancérigène. C’est pour cela qu’il ne faut pas en faire trop jeune. L’IRM vient comme un examen de seconde intention car elle ne permet pas de tout voir. On voit plus de choses avec la mammographie qu’avec l’IRM.

Question sur la thermographie :

Aujourd’hui la mammographie numérisée telle qu’elle est pratiquée au CHPG est d’excellente qualité et toutes les études ont montré que la mammographie est l’examen de référence hors population particulière, susceptibilité génétique, femme jeune à risque.

Il y a énormément de pays dans le monde qui ont décidé que la mammographie de dépistage n’était pas utile. Il y a des discussions et l’un des items de discussion est la sur morbidité.

Statistiquement et selon les recommandations de nos instances de santé,  la mammographie numérisée tous les deux ans avec double lecture reste l’examen le plus fiable pour le dépistage du cancer du sein, hors population particulière.

Malgré certains contre exemples, on essaie de trouver le meilleur moyen de préserver la population en globalité.

Pour les familles à risque, cela représente environ 8% des cancers du sein, on a mis en évidence des mutations génétiques qui sont transmissibles et quand on a des nouveaux cas qui font penser à une susceptibilité génétique, on fait le test et s’il est positif, outre des recommandations de prévention, il y a également des traitements préventifs, notamment chirurgicaux.

Le radiologue c’est celui qui va voir la lésion en premier. En fonction de quoi, le prélèvement envoyé à l’anatomopathologiste qui définira s’il s’agit d’un cancer ou pas.

En staff ou RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire), on discute autour de référentiels de cas patients. La décision thérapeutique est collégiale : Radiothérapeute, chirurgien, oncologue, anatomopathologiste, radiologue.

La stratégie thérapeutique consiste à définir si le cancer n’atteint que l’organe concerné ou s’il est plus important.

Si le cancer est disséminé, on fait un traitement général avec de la chimio thérapie, de l’hormonothérapie, des thérapies ciblées, de l’immunothérapie.

La chimio seule ne guérit que peu de cas. Aujourd’hui, 2/3 des patients sont vivants après les nouveaux traitements du cancer.

Depuis 5 ans, l’immunothérapie est une vraie évolution. Les cellules  avaient moyen de bloquer leur propre immunité. Ce lien est restauré avec les nouveaux traitements d’immunothérapie. On redonne la visibilité de notre immunité aux cellules cancéreuses.

L’immunothérapie dont on parle, est validée pour certains cancers comme le mélanome, le cancer du poumon, les cancers ORL, le cancer de la vessie. Également certaines maladies hématologiques. Ces molécules agissent en freinant l’évolution d’un cancer. A l’avenir, on aura des données encourageantes.

Le Dr. Ortholan précise que la radiothérapie utilise des rayons ionisant qui vont casser l’ADN des cellules cancéreuses.

Le rayon arrive dans la cellule qui va éclater les molécules d’eau. L’ADN des cellules cancéreuses fait qu’elles ont du mal à se réparer contrairement aux tissus sains.

Le Dr. Ortholan évoque les accélérateurs linéaires dont elle est dotée dans son service. Le Prince a inauguré cette machine au CHPG.

Cette machine utilise les mêmes rayons que la lumière mais ils sont bien plus puissants.

Elle précise que la radiothérapie agit à la place de la chirurgie comme par exemple dans le cancer du larynx. Parfois, la chirurgie est impossible, on fait donc de la radiothérapie pour éviter les complications d’une chirurgie. On fait également des rayons pour préparer la chirurgie. La radiothérapie est réalisée aussi après la chirurgie pour éradiquer les cellules cancéreuses qui restent ou aussi pour diminuer la douleur cancéreuse.

Le Dr. Ortholan montre sur diapo comment cela se passe. On la fait parfois sous scanner, on fait des contourages pour définir les zones à irradier.

On transfère ces images au physicien qui fait des calculs et détermine précisément où il faut irradier. Aujourd’hui avec les techniques modernes, on peut irradier précisément de manière à ne pas entraîner trop de toxicité pour le patient. On sculpte la zone à irradier. On peut maintenant irradier des tumeurs de petite taille et suivre le mouvement de la tumeur et ainsi toucher de  toutes petites lésions. Ceci remplace la chirurgie : c’est la radiochirurgie.

Le Dr. Ortholan montre des diapos en exemple.

On peut traiter aussi des maladies qui ne sont plus des cancers comme l’épilepsie, la maladie de Parkinson. Ce type de traitement a changé la façon de traiter les cancers. On peut faire des traitements localisés sur des petites zones pour éviter un traitement général toxique pour le patient et traiter les petites métastases.

A la question de savoir si un choc psychologique peut induire un cancer, le Dr. Garnier précise que l’on n’a aucune démonstration scientifique qui le prouve. Mais il y a des phénomènes chimiques sur lesquels on s’interroge. Il est plus probable que l’alimentation et l’environnement sont en cause.

A la question si la machine est utilisée uniquement à Monaco, le Dr. Ortholan répond qu’aujourd’hui, il y a très peu d’établissements en France qui possèdent cette machine en double exemplaire, comme ce sera le cas au CHPG prochainement.

Globalement la santé de la cancérologie coute très cher et le CHPG offre ce qu’il y a de mieux loco régionalement. Le traitement est optimal concernant le ratio temps/patient au CHPG.

A la question sur le cancer du pancréas, le Dr. Ortholan, précise que c’est de mauvais pronostic et malheureusement, ces thérapeutiques focales n’y peuvent pas grand-chose. C’est un des cancers les plus difficiles à traiter comme le cancer du cerveau. On n’a pas pu faire de gros progrès pour ces cancers.

En revanche, le cancer du sein reste un cancer de bien meilleur pronostic qu’avant.